11 mars 2023

Agar Agar, Papooz, Mozart Estate et Mac DeMarco : des choses étranges au menu ce mois-ci

Agar Agar - "Player Non Player"

Voici revenus les français de Agar Agar qui nous avait conquis avec leur premier EP et les petites pépites électro "Prettiest Virgin" et "You’re High".
"Player Non Player" n’est pas qu’un simple album, il est en effet accompagné de tout un univers visuel autour du jeu vidéo (pas encore sorti malheureusement).
Côté musique, c’est du 100% synthé et programmation.
Autour de sons étranges, Agar Agar poursuit son exploration à la limite entre expérimentation et chanson.
Le groupe part à la recherche de nouvelles sonorités ou de façon de chanter ("Dragon", "No pressure") mais il n’oublie pas de proposer, et c’est un peu leur marque de fabrique, des morceaux au rythme chaloupé, sans être totalement dansant, mais en tout cas souvent envoûtant ("Dragonlie", "Fake Names").
Ils sont
en cela bien aidés par la voix délicatement monocorde de Clara Cappagli qui, avec un certain sens de la formule dans les paroles, apporte un côté hypnotique à leur musique ("Trouble").



Papooz - "None of This Matters Now"

Retour sur le troisième album du duo français Papooz sorti en cours d'année 2022.
L’album n’avait pas été chroniqué l’an dernier mais il n’est jamais trop tard pour bien faire comme on dit.
Papooz c’est de la pop folk song paisible et rétro style début des années 70, avec des guitares à la Crosby Stills Nash and Young. Bienvenus donc guitare slide, trémolo et piano, véritables armatures de leur son ("None of This Matters Now", "Twilight of Your Mind").
La voix androgyne de Ulysse Cottin vient se poser sur des arrangements simples enregistrés, selon les dires du groupe, en condition de live et renforcés par de magnifiques murs de chœurs en re-recording ("Hell of a Woman").
Un nouvel album qui confirme tout le talent de Papooz.



Mozart Estate - "Pop-Up! Ker-Ching! and the Possibilities of Modern Shopping"

Décrire ce disque est quasiment mission impossible. Le mieux est de l'écouter du début à la fin.
C'est de la pop mais alors de la pop ultra perchée. 16 petits morceaux concentrés de moments complètement fous : des chœurs dans tous les sens, un melting-pot d'influences musicales, dans une ambiance de comédie musicale hystérique qui file à 100 à l'heure.
Le genre de disque génial mais tellement pas sérieux dans sa forme qu'on n'ose pas dire qu'on l'aime.
Derrière ce disque un peu frappadingue se cache Lawrence Hayward qui sévit sous plusieurs pseudos ou groupe depuis les années 80, donc tout sauf un débutant.
Si vous avez envie de découvrir, allez vous mesurer à "I’m Gonna Wiggle" ou "Relative Poverty"... au risque de plonger.



Mac DeMarco - "Five Easy Hot Dogs"


Mac DeMarco, producteur, compositeur, chanteur canadien à l’univers décalé, avait marqué les esprits avec son premier album "Salad Days" en 2014 et notamment avec l’inoubliable "Chamber of Reflection".
9 ans et quelques albums plus tard, il revient cette année avec un concept instrumental qui lui correspond bien.
Sorte de musique d'ambiance, le disque prend la forme d'un carnet de route enregistré le long d'un road-trip californien.
Accompagné uniquement d'une guitare acoustique, d’une basse et d'un synthé bon marché, Mac semble nous conter, de manière simple et ultra épurée, l’ambiance de son voyage autour de mélodies douces et légères et surtout, toujours avec ce son, cette tessiture étrange à la limite de la justesse.
Avertissement aux néophytes : gardez l'esprit ouvert car, de part son concept, les arrangements sont si minimalistes que le résultat final ressemble parfois à des ébauches encore à l’état de maquette.


 

8 mars 2023

Long Live Gaz Coombes!

 Hallelujah : la pop-rock anglaise est toujours active et inspirée ! 

Gaz Coombes vient en effet de sortir son nouvel album, « Turn the Car Around », prêt de 5 ans après l’excellent « World’s Strongest Man », qui apparaissait déjà comme un disque mature, brillant et destiné à rester dans les oreilles. La gueule d’ange British, qui a pris le risque de tester un nouveau chemin après presque 20 ans de bons et loyaux services avec Supergrass, creuse son sillon avec style, abnégation et modestie. A l’occasion d’un concert accompagnant sa tournée de release de l’album précédant, Chris et Thom (la section rythmique de Pluto Intelligence Agency, NDLR) avaient bu une bière avec lui à la sortie d’un concert New Yorkais... Peut-être une exception à la règle, mais ce type – né dans les années 70 (comme pas mal d’entre nous) – n’a pas la grosse tête et se fait plaisir avec sa musique sans trop se soucier (apparemment) du reste, et c'est sympa de voir qu'il y a des types aussi cool dans la musique...

[Chris et Thom (avec des lunettes: facile) de Pluto Intelligence Agency avec Gaz Coombes, New York, NY, 2018]

Entouré de pas mal d’auxiliaires (en partie son groupe de tournée et des choristes) Gaz Coombes assure tout de même les vocaux, les guitares, les claviers et pas mal de parties de basse et de batterie à lui tout seul, sans compter la production, qui apporte un vernis superbe sur l’ensemble du disque… Enregistré à Oxford (quoi de mieux ?) « Turn the Car Around », avec ses 9 titres (seulement), est dense et particulièrement homogène dans le son, dans la voix lead et dans l’ambiance, très seventies. Les efforts payent tous les étages : les lyrics sont fouillés, le chant est travaillé et les arrangements font mouche à chaque coup ! A la première écoute, seuls quelques titres – rythmés – accrochent l’auditeur/trice mais c’est le signe d’un grand disque : après plusieurs passages, on découvre plein de détails qui révèlent la qualité d’écriture et d’enregistrement de chaque morceau. Le style général est moins « rentre-dedans » que son opus précédant (qui portait son lot de pépites, comme « wounded Egos », « Weird Dreams » ou « World’s strongest Man ») et on a ici à faire à des choses plus subtiles, avec de belles balades pop, folk, rock, parfois glam-rock, toujours avec cette voix si caractéristique et qui se place parfaitement. Le son, les effets et les arrangements évoquent un beau mélange entre Bowie, les Beatles, Scott Walker (dont il parle dans « Dance on » et qui lui avait déjà inspiré « World’s Strongest Man »…) mais aussi Radiohead et Neil Hannon, pour mixer les générations (et mes propres références).



Tous les titres s’écoutent et se dévoilent avec plaisir, sans jamais agacer ou lasser, et certains gardent (encore) une trace Supergrass, comme « Long live the Strange » ou « Feel Loop », qui a aussi un côté Thom Yorke assez poussé dans le style de chant et dans le riff de guitare… et le superbe « Turn The Car Around » (avec ses enchaînements à tiroirs, ses guitares passées dans une leslie bien vintage, son glockenspiel et son clavicorde !) évoquant plutôt la période « Road to Rouen ».

Pour moi, il y a deux titres qui surpassent le reste: d’abord « Don’t Say It’s Over », avec son rythme nonchalant, sa basse traînante et ses arrangements à la limite d’un disque de soul: il reste des guitares (superbe solo higain + tremolo, ambiance sixties garantie !) mais on est noyés dans une reverb lourde, des synthés et claviers très 70s (piano surcompressé, string-machines, mellotron) et le morceau est vraiment porté par son chant très réussi et soutenu par des chœurs féminins superbes…



Enfin, « Dance On » est exactement le titre qu’on pouvait attendre à la fin d’un disque aussi réussi : ça commence (et ca fini !) comme une belle ballade folk - genre Macca période Wings - à la guitare acoustique et à la ligne de basse haut perchée et mélodique mais les refrains changent la donne avec grosses guitares, nappes de strings (mellotron ?) et surtout des changements d’accords particulièrement originaux. Assurément ma préférée...

L’ex leader de Supergrass signe peut être ici son meilleur opus solo, superbement réalisé et arrangé: ça reste serré, ca déborde jamais, c’est même presque intime et chaque titre accroche les oreilles comme il faut. Merci Gaz, we love you: long live Gaz Coombes!