18 nov. 2014

« The endless river » : un hommage tout en douceur à Rick Wright

Non, ne cherchez pas, je ne dirai pas du mal de Pink Floyd…

« The endless river » n’est pas l’album de l’année, c’est sûr, mais c’est un album honnête.
Composé de morceaux issus des sessions de leur album précédent (« The division bell » sorti en 1994), l’album se veut avant tout un hommage à Rick Wright, claviériste et compositeur du groupe depuis leurs débuts dans les années 60, décédé en 2008.
La pochette de l’album, avec cette barque qui semble, tel Charon, amener les défunts vers le séjour des morts, traduit bien cette volonté.
L’hommage est en tout cas réussi tant les synthés du musicien sont omniprésents sur cet album. Et l’ambiance générale, très apaisante, dégage un sentiment de sérénité.
On a aussi l’impression que les chansons ont très peu été retouchées depuis 20 ans, car on y retrouve un son assez proche de celui de « The division bell ».
Autre aspect honnête du projet, loin de refourguer pêle-mêle les 18 morceaux issus des enregistrements de 1994, l’album est divisé en 4 sous-parties cohérentes, une structure typique de Pink Floyd qui avait l’habitude de diviser leurs morceaux en plusieurs « mouvements », comme dans « Atom heart mother » ou « Ummagumma » par exemple.
Et puis surtout, dernier point et non des moindres concernant « The endless river » : quel plaisir de découvrir un nouvel album de Pink Floyd, un album de rock progressif avec ce « son » typique du groupe !

Le visuel de l'album : très explicite... et un peu kitschou


Bon, OK, je vais quand même en dire un peu de mal : malgré tous ces bons points, je n’ai pas accroché plus que ça à l’album.

Dans la longue carrière des Pink Floyd, je suis un adepte de ce qu’on peut appeler la période « Gilmour-Waters » qui s’étend de « Meddle » (1971) à « The wall » (1979) avec 3 albums réellement parfaits : « The dark side of the moon », « Wish you were here » et « The wall ». Durant cette période, le groupe est à son apogée : le son de Pink Floyd est à maturité, grâce notamment au jeu de guitare caractéristique de David Gilmour, Roger Waters, très inspiré, apporte, avec ses paroles sombres et torturées, beaucoup d’émotions aux chansons du groupe.
Même s’il y a beaucoup d’excellents morceaux dans ce qu’ils ont fait avant cette période (les jeunes années psychédéliques influencées par leur premier leader, Syd Barrett) et après (la période sans Roger Waters, avec Gilmour aux manettes), les albums proprement dits sont un peu plus inégaux.

« The endless river » a les défauts de ses qualités. Les chansons ayant été peu réarrangées depuis les sessions de « The divison bell », l’album est constitué à 95 % d’instrumentaux où dominent, quasiment en continu, solos de guitare sur nappe de synthés, ce qui rend le tout un brin monotone.
Fidèle au rock progressif, les morceaux se mettent en place doucement, mais sans jamais vraiment monter en intensité. Il faut ainsi écouter l’album plusieurs fois pour s’attacher à quelques titres :
« It’s what we do » pour le son de synthé tout en douceur
« Skins » (avec sa suite directe « Sum ») pour sa batterie jouée en grande partie sur les toms
« Anisina » pour le mélange et même l’entremêlement de la guitare et du saxo
« Allons-y » avec sa sonorité très (trop ?) années 90
« Talkin’ Hawkin’ » et sa répétitive mais ensorcelante partie de piano

Bref, « The endless river » est un album qui rend un bel hommage à Rick Wright mais qui, musicalement, laisse un petit goût d’inachevé.
Les fans purs et durs de Pink Floyd seront heureux de pouvoir compléter leur audiothèque avec ces nouveaux morceaux. Les autres trouveront sans doute l’album un peu ennuyeux.

4 nov. 2014

Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band : des Beatles aux Flamings Lips, une histoire du psychédélisme

L’album « Sgt. Pepper’s Lonely hearts Club Band », sorti par les Beatles en juin 1967 en pleine période hippie, est devenu rapidement un monument du psychédélisme pour plusieurs raisons :
  • Des arrangements musicaux très élaborés, les techniciens des studios Abbey Road ayant réussi l’exploit, à grands renforts d’overdubs, de superposer de nombreuses pistes sans perte de qualité sonore alors qu’à l’époque leurs tables de mixages sont limitées à 4 pistes.
  • L’utilisation d’instruments qu’on n’avait pas l’habitude d’entendre dans la pop-music tels que clavecins, clarinettes, instruments indiens... et même tout un orchestre classique pour la montée chaotique de « A day in the life ».
  • L’invention de nouveaux effets sonores grâce au détournement complexe d’effets existants.
  • Des paroles originales, parfois surréalistes, jouant souvent sur l’ambiguïté ou le double-sens, plusieurs chansons ayant même été interdites de diffusion radio pour leurs allusions à la drogue (« Lucy in the sky with diamonds », « A day in the life », « Fixing a hole » et « Being for the benefit of Mr Kite! »). On est loin du « She loves you yeah yeah yeah » que les Beatles chantaient 4 ans plus tôt.

 


Depuis, toute la musique pop actuelle s’est construite sur les bases définies par les Beatles.
L'utilisation d'instruments à contre-emploi est devenue monnaie courante.
Les effets sonores sont personnalisables à l’infini en tournant simplement un bouton.
Des chansons relatant des trips sous toutes drogues que ce soient ne choquent plus personne (même « Licence 4 » a abordé le thème du côté festif de l’alcool).
Et de nombreux groupes, encore aujourd’hui, mettent des doses de psychédélisme dans leur musique : Air, MGMT, Tame Impala (pour ne citer qu’eux)… et surtout The Flaming Lips, groupe qui depuis 41 ans poursuit ses explorations psychédéliques en enregistrant des albums toujours plus délirants.
Près de 50 ans plus tard, le côté psychédélique de Sgt. Pepper est donc peut-être un peu moins évident pour ceux qui découvriraient l'album aujourd'hui, tout ce qui était innovant à l’époque étant somme toute assez banal de nos jours.

Et voici que The Flaming Lips, après avoir repris à leur sauce « The dark side of the moon » des Pink Floyd en 2009, ont décidé cette année de dépoussiérer le vieux Sergent moustachu.

Epaulé dans cette tâche par d’autres artistes (dont Moby, Ben Goldwasser de MGMT, Miley Cyrus, et d’autres «fwends»), le groupe a dû se demander comment faire de Sgt Pepper un album psychédélique alors que les contraintes techniques ont quasiment disparu aujourd’hui.
Et la réponse, on la trouve dès la première écoute de l’album : en enregistrant un album complètement barré !
C’est peu dire que l’album est psychédélique : beaucoup d’effets sur les voix, de sonorités étranges, de passages un peu dissonants... c’est vraiment de la folie non-stop.

On pourra peut-être regretter justement que, chaque invité souhaitant sans doute relever le défi de faire un morceau délirant, il manque un peu d’accalmie au milieu de ce déluge. Et on a parfois un peu l’impression que, à trop vouloir se lâcher sur les arrangements farfelus, on en a un peu oublié de mettre en valeur les chansons et celles-ci ne sont pas toujours faciles d’accès pour les néophytes du psychédélisme.

Mais il n’empêche, il y a plusieurs reprises qui valent vraiment le coup : « Lucy in the sky with diamonds » pour ses superbes arrangements sur les refrains qui sonnent comme des feux d’artifice, « Sgt. Pepper (intro) » pour son esprit rock parfaitement préservé (avec en prime un p’tit clin d’oeil à Jimi Hendrix), « Sgt Pepper (reprise) » pour sa fin remaniée dans un style hippie woodstock, et « A day in the life » qui, sans en faire des tonnes, revisite bien ce chef d’œuvre lennonien.

Bref, un album intéressant, étonnant. Les adeptes du psychédélisme et des Flaming lips seront ravis. Les fans des Beatles seront intéressés de voir leurs morceaux préférés transformés, d’autant plus qu’il y a souvent des clins d’oeil aux arrangements originaux de 1967 (comme par exemple les cloches dans « When I’m sixty four »). Pour les autres, ce sera un peu plus dur...