18 avr. 2024

Les disques qui m'ont marqué #7 Cake : "Fashion Nugget"

 


Contingent 96/10 au rapport !
Qui a dit que le service militaire n'avait que des mauvais côtés ?
En ce qui me concerne, ce sont des mois d'ennui dans une caserne sordide... mais aussi de belles rencontres.

Retour en fin d'année 1996, période où le service militaire existe toujours même s'il vit ses dernières heures puisqu'il sera définitivement arrêté en octobre 1997.

L'album "666 6667 Club" de Noir Désir vient de sortir et occupe une grande partie du spectre musical de cette époque, autant dire qu'on est loin de la sensibilité nationaliste des chansons militaires que nous devons entonner lors de nos marches au pas comme "La route vers l'inconnu est toujours bien venue" (cette chanson va me hanter encore très longtemps j'en ai peur)

 
Vous n'êtes pas obligés de l'écouter, promis


Après un mois de "classes" à Tours, direction le Loir-et-Cher pour neuf longs mois dans une base aérienne... qui n'a même pas de piste en bitume. Le site fait essentiellement office d'immense dépôt de pièces détachées pour l'armée de l'air.
Après avoir échappé de justesse à l'affectation au mess des appelés (ouh la la, tout ce vocabulaire militaire, je sens que je vais en perdre certains), je me retrouve finalement au service cartographique.
Au programme : expéditions vers
toutes les bases de France de cartes géographiques incluant les couloirs aériens. Et bizarrement, beaucoup de demandes de cartes de la Corse (et du littoral méditerranéen en général) lorsque les vacances d'été approchent...

Dans ce service, on n'est que deux appelés encadrés par cinq civils et, pendant qu'ils font la sieste entre midi et deux affalés sur leurs bureaux (véridique), on discute musique, Moïse (véridique aussi, c'est son prénom) et moi.

Lui est passionné de Bowie et de rock indé ; et, si je suis plutôt branché pop classique, nos goûts sont somme toute assez similaires et on échange nos découvertes régulièrement.

Un beau jour il débarque à la caserne avec un CD qu'il me conseille d'écouter absolument : "Fashion Nugget", deuxième album du groupe américain Cake, disque qui est sorti très peu de temps auparavant (en septembre 1996 précisément).

Cet album sera un choc : Cake se rit des codes et mélange les influences dont certaines, sur le papier, seraient bannies par n'importe quel amoureux du combo guitare basse batterie.

Voilà de quoi bouleverser toutes mes certitudes !

C'est ainsi que le groupe va amener le rock côtoyer de la country, du rap et, plus inhabituel, du mariachi avec ses trompettes omniprésentes... Et au passage faire redécouvrir le vibraslap, cette petite percussion rigolote que Cake adore placer dans la plupart de ses chansons.

 
 Un petit tuto si vous voulez vous mettre au vibraslap

Avec son phrasé inexpressif très particulier et ses paroles souvent ironiques, le chanteur John McCrea apporte ce petit je ne sais quoi de décalage et de détachement qui va permettre de faire le lien entre ces différents styles. 

L'album s'ouvre sur "Frank Sinatra" et, après quelques secondes en mode low-fi, le son volontairement brut de Cake explose littéralement emmené par des guitares "raw" et une basse bien en avant, un son caractéristique du groupe.

Viennent ensuite le tubesque "The Distance" avec son chant presque rappé et sa basse très moderne ; "Friend is a Four Letter Word" avec ses paroles moqueuses et son envolée émouvante de trompettes ; "Open Book" et ses chœurs décalés complètement fous rendant la mélodie du refrain insaisissable (chœurs dont on retrouve le même principe sur l'excellent "It's Coming Down" un peu plus tard dans l'album) ; "Daria" avec sa guitare rythmique très funky et son refrain accrocheur ; le plaidoyer comique "Stickshifts and Safetybelts" contre les voitures modernes ; la douce ballade "She'll Come Back to Me" ; et pour finir la très mélancolique reprise de "Sad Songs and Waltzes" qui vient conclure l'album sur une note country.


Par la suite, libéré des obligations militaires, je continuerai à suivre la carrière de Cake qui sortira d'autres excellents albums ("Prolonging the Magic", "Comfort Eagle") très bien accueillis par la critique et le public, aux Etats-Unis principalement. Et j'aurais même la chance de les voir en concert dans la salle de l'Elysée-Montmartre à Paris, avec mon frère devenu fan du groupe lui-aussi. 

Plus de 25 ans après, grâce à ce son unique, l'album "Fashion Nugget" n'a pas pris une ride et sa liberté est toujours aussi jouissive.