24 nov. 2023

Now And Then, le cadeau d'adieu des Beatles

La sortie de ce nouveau (et ultime) single des Beatles (basé sur une maquette de John Lennon enregistrée dans son appartement en 1978) avait été annoncée de longue date et on la guettait avec une certaine curiosité mais sans réelle attente.
Il faut dire que le dernier exercice dans ce style n'était pas passé loin de la catastrophe ("Real Love", un massacre pitché d'une magnifique ballade de Lennon).
En 1995, Paul, George et Ringo avaient travaillé sur cette chanson et souhaitaient la sortir sur le troisième volet de leur projet "Anthology" mais la mauvaise qualité de la maquette les en avait décourager.

A la première écoute de "Now And Then", la critique vient facilement : on sent que les paroles ne sont pas vraiment abouties, les arrangements sont propres mais ne sonnent pas assez 60's. Et puis qu'est-ce que c'est que ce clip affreux avec toutes ces inclusions d'anciennes vidéos qui font passer les jeunes Beatles pour des Gif géants un peu benêts.

Mais au fils des lectures, la vidéo et la chanson prennent tout leur sens pour atteindre une dimension émotionnelle insoupçonnée.

Tout d'abord parce que, à travers sa voix, John Lennon semble s'adresser aux trois autres Beatles dans une sincère déclaration d'amitié avec même l'espoir d'une réconciliation qui malheureusement a pris fin en décembre 1980 sous les tirs de Mark David Chapman.
Ensuite, lorsque Ringo et Paul reprennent avec lui le refrain, ce sont les deux Beatles toujours en vie qui disent à leurs amis disparus qu'ils leurs manquent...
Et au final, ce sont tous les fans du groupe qui se sentiront liés par le sentiment que c'est le groupe entier, leur musique et leur insouciance qui manquent cruellement.

Ringo, Paul, George et George Martin en 1995

Côté musique, finalement, il n'y a pas grand chose à reprocher à "Now And Then". La mélodie est typique de Lennon et sa voix, isolée grâce à l'Intelligence Artificielle, est claire et nette (contrairement aux deux précédentes chansons ressuscitées, "Free As A Bird" et "Real Love", qui n'avaient pas pu bénéficier de cette technologie, obligeant les musiciens à jouer par dessus la maquette, de piètre qualité sonore, de Lennon).
La basse de McCartney accompagne parfaitement le chant, Ringo assure une partie rythmique impeccable et les deux Beatles rejoignent John avec entrain de leurs voix un peu usées par l'âge.
En plus du piano, rejoué presque à l'identique par Paul, la guitare acoustique enregistrée par George en 1995 a été conservée et Paul vient y ajouter un solo de guitare électrique.
Les arrangements de cordes réalisés par Giles Martin sont particulièrement réussis et tout à fait dans le ton de ce qui aurait pu être produit par son père du temps de "Eleanor Rigby" ou de "I am The Walrus", ce qui permet d'apprécier le long intermède instrumental du milieu du morceau, avec en point d'orgue la reprise d'une partie des chœurs enregistrés pour "Because" qui s'intègrent idéalement à l'ouvrage.
Donc, à défaut de sonner "Beatles 1960's", ça sonne en tout cas bien "Beatles 2020's".

Enregistrement de la vidéo de Hello Goodbye

Autre point d’accroche : le clip réalisé par Peter Jackson avec les multiples inclusions temporelles de vidéos issues de l'enregistrement du film promotionnel réalisé pour "Hello, Goodbye" en 1967.
Sous un aspect un peu cheap, on se rend compte petit à petit que seules les versions "jeunes" des Beatles semblent s'amuser tandis que les deux  Beatles "âgés", Paul et Ringo, les regardent avec un air emprunt de mélancolie.
Cette mise en abîme visuelle à deux ambiances ajoute une immense nostalgie à la vidéo.
Les dernières secondes du film sont particulièrement touchantes avec les photos des quatre Beatles qui défilent à rebours dans le temps jusqu'à leur enfance et le groupe qui s'incline une dernière fois pour saluer le public comme pour signifier que ça y est, le rideau tombe, il est temps de leur dire adieu.


Un hymne à l'amitié, un regard tendre et mélancolique vers le passé, des arrangements fidèles, les quatre Beatles musicalement réunis, le fils de George Martin à la production, le sentiment qu'une page se tourne irrémédiablement...
On ne pouvait finalement rêver meilleur morceau pour conclure définitivement la carrière des quatre gars de Liverpool.