12 mai 2021

L'Impératrice et Raphaël ou l'éloge du flou

... et une réédition savoureuse...

L'Impératrice - Tako Tsubo

3 ans après son premier album, le groupe français L'impératrice revient. Dès les premiers morceaux, on retrouve avec plaisir l'ambiance pop-disco du groupe, basse qui groove, synthé et guitare funk.
Si, au niveau du son, on navigue en territoire familier, le disque s'avère plus intime et personnel que leur précédent opus à travers des paroles en français à l'écriture parfaitement maîtrisée.
La chanteuse nous amène dans son doux chagrin avec des textes à la signification obscure, jouant volontairement sur les mots. Elle se justifie même dans la chanson "L'équilibriste" : J'ai fait l'amour à mes névroses / Je les ai couchées sur la page / Dessus dessous / C'est un couplet que je compose / Mais mis bout à bout / C'est joli mais c'est flou / Les rimes on s'en fout / J'ai peur de trop forcer la prose / Je ne sais pas parler de tout
L'album se termine par un hommage à Berger (et aussi un peu aux Beatles) avec la reprise de "Tant d'amour perdu" qui nous rappelle que lui aussi savait faire groover la chanson française.


 

Raphaël - Haute Fidélité

On ressort de la première écoute de cet album avec une impression d'étrangeté. Enregistré en home-studio, le chanteur n'a pas fait dans la facilité : on est loin du classique couplet-refrain et les textes résonnent comme des cadavres exquis.
Il faudra plusieurs écoutes pour apprécier cet univers, sa beauté et sa complexité un peu élitiste, ce son rock ; plusieurs écoutes pour repérer ces paroles un peu floues mais dont chacun saura s'approprier le sens et qui au final touchent au but.
Entouré par des invités talentueux (Arthur Teboul de Feu! Chatterton sur plusieurs morceaux, Clara Luciani, Pomme...), ce disque est une excellente surprise.




King Gizzard & The Lizard Wizard - L.W.

Le groupe de rock psychédélique sort son 17ème album en à peine 10 ans quelques mois après "K.G." dont il est la suite directe. En plus d'être extrêmement productifs, les australiens sont de véritables touche-à-tout (rock progressif, folk, jazz, soul, metal). Sur cet album, ils ont eu la bonne idée de se faire fabriquer des guitares avec des décalages de case par quart de ton (au lieu de demi-ton) ce qui permet de composer des musiques dont l'oreille occidentale n'est pas coutumière. Et pour le coup, le résultat sonne rock garage oriental !
Aussi surprenant que ça paraisse, l'album est au final très accrocheur grâce à ce mélange original et, sur certains morceaux, les deux mondes sont en totale symbiose, principalement lorsque la mélodie du chant arrive à s'éloigner de celle des guitares comme sur "Supreme Ascendency" et surtout sur l'incroyable "Static Electricity".
On ne peut qu'être admiratif devant tant d'audace même si on sent que, en prenant plus leur temps, le groupe pourrait sortir des disques encore meilleurs. Mais on ne peut pas quand même leur reprocher d'avoir choisi l’originalité et la spontanéité comme credo .



Lennon - Plastic Ono Band

En 1970 sortait le premier véritable album solo de John Lennon, quelques mois après la séparation des Beatles.
D'une beauté crue, simple et sans orchestration superflue (guitare, basse batterie et piano tenus principalement par lui et ses amis Ringo Starr et Klauss Voorman), cet album allait permettre à Lennon d'exorciser sa peine et ses désillusions : la mort de sa mère, le star system, les hiérarchies sociales ... Et bien sûr son amour pour Yoko.
Tout juste sorti d'une thérapie par le cri, les textes et l'interprétation du chanteur sont poignants, vous prennent aux tripes et en font le meilleur album de l'ex-Beatles et tout simplement un des meilleurs albums pop-rock.

Un peu plus de 50 ans après sa sortie, Yoko nous en ressort une version "Ultimate Mixes" qui n'apporte pas grand chose par rapport à la version originale, augmentée des singles "Give peace a chance", "Cold turkey" et "Instant Karma!" enregistrés à la même période mais qui n'ont rien à voir avec le projet libérateur de l'album.
Tout l'intérêt de cette réédition réside dans les nombreuses prises alternatives et les en particulier les "Evolution Mixes" qui permettent de découvrir l'évolution de chaque morceau et nous plonge au coeur de l'enregistrement grâce aux multiples discussions en studio entre les musiciens sur l'interprétation ou la direction à prendre.
Un vrai régal pour les fans !




On n'en parle pas trop :
La Femme - Paradigmes - Alors que c'est pourtant toujours à peu près la même recette (ou peut-être parce que c'est toujours la même recette justement), on n'accroche pas plus que ça au dernier album du groupe qui semble s'être encore un peu plus perdu dans le second degré.